FMDS/RAMS
6/12/2023

Fiabilité d’un Produit : Méthodes Expert

La Fiabilité : définition, explication et exemple. Dit « Reliability » en Anglais, ce concept est souvent associé à la Maintenabilité et la Disponibilité. Quelles sont les méthodes des Experts pour fiabiliser un Système?

Si l'obsolescence programmée vous intéresse, vous êtes au bon endroit.

Cet article complète celui sur les méthodes simples pour fiabiliser un Produit. Je vous en recommande vivement la lecture avant d'attaquer les lignes qui suivent !

Différences avec la Sécurité et la Sûreté

Que ce soit la Fiabilité, la Sécurité ou la Sûreté, le but est de faire en sorte que le Système puisse fonctionner aussi durablement que possible sans soucis. Cela dit, les éléments à maîtriser sont différents.

Dans le cas de la Sécurité on cherche à éviter les dysfonctionnements liés à des évènements externes ou internes anormaux, ou liés à des utilisations détournées du Produit, et tout cela étant d’origine involontaire.

Exemple : un bug logiciel empêche ma brosse à dent électrique d’arrêter de fonctionner lorsque j'appuie sur le bouton STOP.

C’est la même chose pour la Sûreté, au détail près que les évènements considérés sont d’origine malveillante et volontaire.

Exemple : une modification volontaire du logiciel ou de l’électronique empêche la brosse à dent électrique d’arrêter de fonctionner lorsqu’on appuie sur le bouton STOP. Et cela a été fait pour me nuire !

Pour ce qui est de la Fiabilité on cherche à éviter des dysfonctionnements liés à des évènements externes ou internes… normaux !

Exemple :

  • On souhaite éviter que la salive ne vienne dégrader la brosse à dent sur le long terme, en s’insinuant dans les mécanismes ou touchant l’électronique.
  • On souhaite que la brosse à dent puisse délivrer X heures de rotation avec N tours/minutes de haute vitesse contre les dents
  • On souhaite vendre la brosse à dent pour une durée de 3 ans d’utilisation, en tenant compte de tous ces facteurs salive et haute vitesse de rotation

Ce qui nous intéresse avec la Fiabilité, c’est que le Système puisse délivrer sa fonction pendant la durée souhaitée et selon son environnement et sa charge de travail définis comme nominaux.

Rappel : c'est le "F" de FMDS !

Brosse à dent électrique fiabilité système reliability FMDS RAMS RAM FMD
De l'électronique, du logiciel et de la mécanique : quel beau produit mécatronique !

Comment concrètement prendre en compte la Fiabilité dans sa Conception d’un Produit ?

Pour savoir pourquoi l'Ingénierie Systèmes est primordiale pour les études de Fiabilité, et comprendre la suite, voir l'article sur les Méthodes Simples de fiabilisation d'un Produit.

Impliquer le Client dans les exigences (de Besoin)

Les exigences initiales de FMDS (RAMS en Anglais), dont la Fiabilité, sont des exigences de Besoin. Elles sont donc exprimées par le Client, seul ou accompagné par l'industriel (vous). On peut aussi parler d'Objectifs FMDS.

Ce travail de collaboration est très important car d'une part le Client sait mieux que vous ce dont il a besoin, et d'autre part il ne sait peut-être pas l'exprimer sous forme d'exigences claires et éventuellement chiffrées (MTBF - cf. ci-dessous).

Lors de cette collaboration/négociation, il faut aussi garder en tête que les RAMS doivent être exprimés en fonction des coûts induits dans le Projet. En effet, un effort RAMS est non négligeable dans la mise au monde d'un Produit. Cela vient avec des coûts dédiés et potentiellement élevés. Il faut que tout le monde (client, fournisseur) en ait conscience et adapte le degrés d’effort en fonction du budget autorisé.

FMDS RAMS costs couts projet argent budget project fiabilité système RAM FMD
Combien pour Un Système Sans Soucis ?

Considérer tout le Système et tout son cycle de vie

J’insiste beaucoup sur le sujet, car je pense que c’est important : L’ensemble du Produit et toutes ses phases du cycle de vie doivent être considérées dans la démarche de Fiabilisation.

Pour ne rien oublier de l’ensemble du Produit, il faut penser Architecture du produit (ses composants logiciels, électroniques, mécaniques etc.) et Interfaces (internes, externes). Le Cube de l’Ingénierie Système que je propose aide à ne rien oublier.

cube ingénierie systèmes aurélien nardini fiabilité système reliability conception produit FMDS RAMS RAM FMD
"Cube" synthétisant la vision à avoir d'un Système/Produit

Concernant les phases de vie, l’astuce est généralement de ne pas oublier les points suivants :

  • Les phases de Fabrication, Assemblage, Intégration et Tests en Production du Produit (Manufacturing, Assembly, Integration and Tests – MAIT) et les sollicitations qui peuvent venir y impacter le Système
  • La vie-même du Système en considérant son vieillissement, sa maintenance et aussi la logistique associée !
  • La Supply Chain des composants de votre Produit (un fournisseur vous vend-il généralement des composants moins bons que la concurrence, du fait de problématiques de stockage non contrôlé chez lui ?)
FMDS RAMS RAM FMD Fiabilité Système Reliability Conception Produit Production série
Une partie de la Fiabilité de votre Système se joue lors de la Production, ne la négligez pas !


Définir et exploiter des indicateurs de Fiabilité

Pour objectiver les exigences de Fiabilité qu’on associe à un Système, des indicateurs peuvent être utilisés :

  • MTBF (Mean Time Between Failure)
  • Taux de défaillance

MTBF

Le MTBF correspond au nombre estimé d’heures pendant lesquelles le Système pourra opérer correctement sa fonction, compte tenu de ses environnements et charge de travail nominaux, avant de défaillir.

Défaillir ne signifiant pas forcément la casse irréversible du Système. Cela peut être réparable. En tout cas, cela quantifie le nombre d’heures de continuité de service entre 2 évènements venant rompre cette continuité. C’est une moyenne sur toutes les pannes du Système. Si on a plusieurs Systèmes dans la nature, on peut également compléter cette moyenne de la considération du nombre total de Systèmes.

On peut également définir les concepts relativement proches de MTTF (Mean Time to Failure) et de FIT (Failures in Time).

Exemple : MTBF de 4 000h pour ma voiture

MTBF MTTR MUT MDT Reliability Fiabilité système FMDS RAMS RAM FMD
Le MTBF parmi les autres notions afférentes

Comment calculer le MTBF de son Produit ?

Une méthodologie créée par la DGA existe. Il s’agit de la méthodologie FIDES et elle est particulièrement pertinente pour les Produits contenant de l’électronique. Elle se base sur des modèles statistiques de défaillances, et sur des recueils de taux de pannes pour divers composants (calculés a posteriori, avec le retex de grands industriels). Associée à un FTA, elle permet de quantifier le MTBF d’un produit complet. J'y reviens plus bas dans cet article.

D’autres recueils existent pour les composants non électroniques : le NPRD-95 (Non electronic Parts Reliability Data) par exemple.

La notion de MTBF fait débat comme représentation pertinente de la Fiabilité. Elle peut être vue comme une façon pour les ingénieurs de « bricoler les chiffres » : je rajoute 100h de MTBF pour ce composant-ci, j’en retire 100 là… et hop mon Système tout intégré aura le MTBF voulu par le client étant donné les branches de mon FTA !

Le débat est pertinent. De mon humble avis, cet indicateur a au moins le mérite d’exister et il permet quand même de fixer les idées entre un client et un concepteur.

Taux de défaillance

Si on veut aller plus loin, on peut également se spécifier un taux de défaillance dépendant du temps : λ(t).

Le taux de défaillance est la probabilité que le Produit rate de réaliser sa fonction dans son environnement nominal et sa charge de travail nominale (=probabilité de défaillance), à l’instant t où on le regarde, sachant qu’il a déjà fonctionné jusqu’à t.

Pour les Systèmes électroniques, le taux de défaillance en fonction du temps ressemble à une baignoire :

FMDS RAMS RAM FMD reliability fiabilité système courbe baignoire électronique fides  fta
Courbe typique pour l'électronique

J’en parle plus bas dans la partie « Lors de la Production Série ».

Pour les Systèmes mécaniques, on a plutôt une forme de parabole :

reliability fiabilité système courbe parabole mécanique FMDS RAMS RAM FMD fta
Courbe trouvée dans ce cours

Le taux de défaillance décroit au début de la vie du Produit (rodage), puis augmente (usure).

On retrouve d’autres indicateurs associés au taux de défaillance, selon la littérature : Loi de Fiabilité R (appelée aussi Loi de Survie), Loi de Mortalité F, Densité de défaillance.

Les amateurs de Statistiques peuvent explorer le sujet (et notamment wikipedia) et se régaler : Loi de Weibull, Loi du Ki 2, Méthode de Kaplan-Meier, intervalle de confiance, etc.

NOTA : les concepts de MTBF et taux de défaillance sont reliés car le premier découle du second. Le 1er est néanmoins plus aisé à comprendre.

Construire et user des AMDEC et FTA

Les problèmes à venir sur son Produit en cours de Conception et Développement peuvent se repérer et se mitiger via des AMDEC ou des FTA.

Pour en savoir plus sur les AMDEC, se référer à cet article.

Les FTA quant à eux sont des arbres logiques faisant apparaitre les taux de défaillance des composants du Système (et non d'évènements).

fault tree analysis fta abre défaillance fiabilité système reliability FMDS RAMS RAM FMD
Exemple de... Event Tree Analysis (à ne pas confondre)! Plutôt utile pour des études de Sécurité.
FMDS RAMS RAM FMD fiabilité FTA Système conception produit
Voici un (très simple) FTA. Vous voyez la différence avec un ETA ? 

Comment construire un FTA ?

Il se construit de la sorte :
  • Identifier un évènement redouté (notamment via les AMDEC) au niveau de votre Système complet. Généralement ce qui nous intéresse pour la Fiabilité est le fait que le Produit puisse fonctionner pendant X années. Considérons quelque chose du goût "le Produit ne marche plus" ou "Le Système casse".
  • Dérouler en dessous, sous forme d'un Arbre Logique, les défaillances et sous-défaillances qui amèneraient à cet évènement redouté (chemins et portes logiques). Cet arbre sera très lié à l'Architecture de votre Produit. Ici, on peut imaginer que le Produit ne marchera plus si {(son carter se fissure) OU (carte électronique A rend l'âme ET logiciel B plante gravement)}.
  • Remplir les taux de défaillances pour chaque élément (on va voir ci-dessous comment calculer cela)
  • (Faire 1 arbre par évènement redouté)
Remplir les taux de défaillance pour chaque élément : les Déclinaisons et Allocations de Fiabilité au sein de cet Arbre (et donc au sein de son Produit) se font comme suit
  • Selon les perfos de défaillance mesurées des composants (datasheet, retex, voire même tests de vieillissement réalisés par vous-même en phase de faisabilité projet)
  • Selon les perfos mesurées de composants similaires
  • Selon les perfos de bases de données
  • Par analogies avec des systèmes/sous-systèmes/composants de mêmes natures
Et concrètement ?
Sous-systèmes électroniques

Pour l’électronique (connectique comprise) : Le calcul de Fiabilité se fait avec la méthodologie FIDES et l’outil ExperTool.

Consortium FIDES RAMS FMDS Fiabilité Systèmes Reliability
Merci à ce consortium !

Le modèle général de la méthodologie FIDES est le suivant :

RAMS FMDS FIDES Fiabilité système reliability model modèle
Philosophie FIDES

avec :

  • λ le nombre de défaillances/heure
  • Contributions physiques = les effets et limitations physiques et technologiques sur la Fiabilité des sous-systèmes/composants regardés.
  • Contributions Process = impacts sur la Fiabilité du développement, de la production et de l’exploitation du Produit

Les termes de l’équation se calculent via le guide FIDES, selon un profil de vie à définir (qui n’est pas forcément le profil de vie qui sera réellement vu par le Produit - il peut être plus dimensionnant). Le taux de défaillance sera global car moyenné sur tout le profil de vie, avec prise en compte du taux sur chaque phase, pondéré par la durée de la phase.

Le profil de vie identifie toutes les données sur les environnements et conditions d’emplois du produit :

  • Température de fonctionnement
  • Amplitude et fréquence des cycles thermiques
  • Niveau vibratoire
  • Humidité relative
  • Niveau de pollution ambiante
  • Expositions aux surcharges accidentelles

Des facteurs de qualité sont à associer à chaque famille de composants pour déterminer le taux de Défaillance. Le Guide FIDES aide à les déterminer.

Fiabilité produit électronique FMDS RAMS reliability  RAM FMD
Qui va craquer le premier ? 

Y a-t-il autre chose que FIDES pour l'électronique ? 

Oui, il y a la méthodologie proposée dans MIL-HDBK-217F, et... Le retour d'expérience qui est un bon pourvoyeur d'info de manière générale.

MIL HDBK 217F RAMS Reliability System Fiabilité Systèmes FMDS FMD RAM

Si on est gourmand (ou pas du tout sûr de soi), on peut combiner ces 3 méthodes (FIDES, HDBK-217F et Retex/Tests) et faire la moyenne des Fiabilités obtenues.

Dernier point sur l'électronique : les données pour les piles se trouvent dans le NPRD-95 (qui l'eut cru).

Sous-systèmes mécaniques

Pour les composants mécaniques/électromagnétiques (la mécanique en mouvement) : Le calcul de Fiabilité se fait avec du Retex, ou sur bases de données type NPRD-95.

Quelques conseils complémentaires :

  • Roulements : lois de Weibull
  • Equipements pyrotechniques : Retex
  • Moteurs : MIL-HDBK-217F, NPRD95
  • Senseurs : Retex, FIDES, MIL-HDBK-217F
  • Mécanismes à façon : simulations Matlab, Python ou autre mise en œuvre de jeux d’équations…
roulement aiguilles fiabilité système produit RAMS reliability dimensionnement FMDS RAM FMD
Roulement à aiguilles
Sous-systèmes Logiciels

Concernant les Logiciels, une méthode est à suivre :

  • On classifie la criticité du software ou des parties du software, à partir des exigences de Fiabilité.
  • On en déduit la méthodologie de développement associée (donnée dans les textes qui aident à classifier le software)
  • Dans la mesure où la méthodologie est appliquée, on considère que le taux de défaillance du software est négligeable (proche de 0) face aux défaillances de la mécanique en mouvement ou de l’électronique
  • En bref : pas d’allocation de Fiabilité particulière pour un logiciel si on suit la méthodo qui va bien
FMDS RAMS Fiabilité logiciel Code Reliability FMD RAM
Reposer sur une méthodo ne veut pas forcément dire ne pas faire d'AMDEC Logiciel par ailleurs...
Sous-systèmes de Structure

Pour la mécanique de structure (pas en mouvement) : On fiabilise à travers le dimensionnement des structures et interfaces, qui doivent prendre en compte des marges.

Les outils sont :

  • Théorie des poutres,
  • Finite Element Analysis

On considère alors un taux de défaillance négligeable (proche de 0) face aux défaillances de la mécanique en mouvement ou de l'électronique

Finite Elements Analysis Analyse Elements finis FMDS RAMS Fiabilité Produit Système Reliability FMD RAM
Une bonne FEA, des ajouts de surépaisseurs et arrondis d'angles, et on n'en parle plus
Moyens (Production, Support, ...)

Concernant... les Moyens ?

Et oui ! On peut aussi si besoin leur exiger, allouer et calculer une Fiabilité ! Que ce soit les moyens de Production, de Support, Logistiques (emballages…) d’installation du Produit etc.

Allocations de Fiabilité : objectifs ou exigences ? 

Les objectifs de Fiabilité alloués à chaque éléments du Produit deviennent les exigences de Fiabilité de ces éléments s'ils sont réalistes (selon les éléments ci-dessus : retex, données empiriques etc.).

On construit ainsi petit à petit une Architecture Système qui tient la route vis-à-vis de la Fiabilité. Je précise "petit à petit" car ce processus est (comme toujours avec l’Ingénierie Systèmes) itératif (on le fait plusieurs fois à mesure qu’on avance et que le Système s’éclaircit/se construit) et récursif (on refait à l’étage de Spécification du dessous si nécessaire).

Si jamais les allocations de Fiabilité ne sont pas réalistes, alors cela pousse à réarchitecturer son Système.

Exemple : si vous vous retrouvez à demander une Fiabilité hors normes à un circuit électronique porteur d'une fonction critique, alors mieux vaut déplacer cette fonction critique sur un autre circuit électronique (mieux protégé ou en dehors d'une zone difficile?) ou alors ne pas faire porter cette fonction par de l'électronique? 

Quelques conseils et remarques :

  • Ne pas oublier les interfaces (connectiques électriques et/ou électroniques, visserie, interfaces entre plusieurs process SW…)
  • Les éléments considérés de critiques ou « de sécurité » doivent avoir des objectifs de Fiabilité plus élevés que les autres éléments.
  • Ces allocations seront vérifiées via calculs, simulations, tests, … En phase d’IVVQ ; mais aussi au plus tôt via prototypages etc. !
  • Tout ce travail sur les FTA se fait sur la base d’un profil opérationnel donné.
  • un FTA requiert d'être assez avancé dans sa Conception pour savoir ce qu'il y aura dans son Système
  • Un autre outil similaire aux FTA existe : les Reliability Block Diagram (RBD).

Comment user de ces FTA et AMDEC ?

Je suis en train de construire les AMDEC et FTA. Au delà de remplir les cases, il faut analyser les éléments suivants en s’imaginant les potentiels modes de défaillances liés afin d'en tirer des barrières qui vont augmenter la Fiabilité du Produit:

  • Les opérations envisagées pour le Produit (ce qu’il doit faire, quand il doit le faire, dans quelles conditions)
  • Les fonctions que doit réaliser le Produit (focus sur ce que doit faire le Système)
  • La maturité des technologies employées (ce nouveau bluetooth ultra rapide et low power est-il suffisamment robuste à date ? Ou allons-nous essuyer les plâtres des fabricants de puce ?)
  • L’architecture imaginée (telle fonction est portée par tel élément physique qui est placé à tel endroit de mon Produit, tel sous-système est contributeur majeur de la casse du Produit...)
  • Les redondances de composants (ou la non redondance et les Single Point of Failure induits)
  • Les phases de production et de maintenance (le fait d’ouvrir telle trappe X fois lors de ces phases ne va-t-il pas entamer le potentiel de vie de cette charnière ?)
  • Etc., liste non exhaustive

Les barrières et autres exigences qui ressortiront des mitigations de ces risques de Fiabilité deviennent donc partie intégrante de la Spécification du Produit et doivent être répondues (et vérifiées !) avec soin.

Phases IVVQ : les Vérifications et Validations

Le juge de paix étant les tests de Qualification, il peut être tentant de développer tout son Système sans se soucier de la Fiabilité, et espérer en serrant les fesses que cette campagne finale de tests ne montre aucun problème.

C’est très risqué. Si on se rend compte d’une défaillance du Produit à la fin du Projet, c’est d’une part compliqué à rattraper techniquement, et d’autre part votre client qui attend son Produit risque d’être très fâché.

client pas content fiabilité reliability FMDS RAMS RAM FMD
"Vous allez rire, on devait vous livrer dans 3 semaines mais en fait ce sera plutôt dans 1 an et demi !"

C’est pourquoi il est recommandé de faire des tests de Fiabilité sur son Produit avant ces essais de Qualification. On peut en faire lors de la Conception (voir le paragraphe « Prototyper, modéliser » dans l'article précédent), et on peut également en faire lors des phases d’Intégration, Vérification et Validation (IVV) qui précèdent la Qualification.

Comment faire ça en IVV ?

  • En testant les composants d’un Système un par un avant de tester tous ces composants assemblés les uns aux autre pour en faire le Système complet
  • En réalisant des préséries et en testant les spécimens de Système qui y sont fabriqués, assemblés et intégrés (Manufactured, Assembled, Integrated - MAI)
  • En réalisant une pré-campagne de Qualification, au plus tôt, pour déverminer les derniers détails avant la campagne officielle de Qualification
cycle en v aurélien nardini hybride FMDS RAMS RAM FMD
Les étapes 9 et 11 de mon Cycle en V hybride sont là pour ça !

Vous trouverez des conseils sur comment tester (et même définir, d'ailleurs) la Fiabilité de son Produit dans les textes suivants :

  • MIL-HDBK-781A
  • EN 60 300

Lors de la Production série

Malgré tous vos efforts pour avoir un Système « Reliable by design », il reste une source de non fiabilité qu’il peut être compliqué de mettre sous contrôle : la fabrication des éléments de votre Produit.

L’électronique et la mécanique peuvent être particulièrement sujets à ces problèmes liés uniquement à leur fabrication.

Par exemple :

  • Votre électronique a un design parfaitement fiable (les composants ont été soigneusement choisis pour performer sous les contraintes et charges définies, les redondances nécessaires sont là etc.) mais, aléatoirement, certains composants sont mal soudés par votre sous-traitant ce qui fait que vos cartes vont très vite « mourir » dans le Produit lors de son utilisation
  • Votre sous-traitant vous fournissant des pièces mécaniques a changé sa gamme de fabrication (pour diminuer ses coûts ou améliorer la sécurité de son personnel) et cela a introduit un défaut (non vu par lui) dans la pièce la rendant plus fragile.

C’est ballot ! Tant d’efforts pour concevoir un Système Fiable pour au final produire des specimens qui dysfonctionnent…

Pas d’inquiétude ! Ici aussi des moyens existent pour se prémunir de ces désagréments.

Si on reste sur l’exemple de l’électronique, la littérature montre que le taux de défaillance d’une carte évolue sous forme de Baignoire (cf. ci-dessus dans le texte). La probabilité de défaillance est très haute au début de la mise en utilisation de cette carte. Puis elle est relativement faible. Enfin, elle grandit fortement.

Pourquoi ? Car au début, pour une carte électronique, vous allez peut-être rencontrer des problèmes de jeunesse (composants mal soudés, montés à l’envers, etc). S’il n’y a pas de tels sujets sur votre carte et que les composants sont choisis pour opérer dans leurs spécifications propres, alors la probabilité de défaillance sera faible pendant un certain temps (c’est le fond de la baignoire). Puis, vieillissement des composants et du PCB aidant (sollicitations thermiques, vibratoires) les problèmes vont commencer à apparaitre et la carte à dysfonctionner.

Comment contrer cela ? On ne veut pas de cette haute probabilité de défaillance en début de vie !

Pour éviter ces défauts de jeunesse, une inspection et des tests des cartes électroniques en sortie de ligne de production (et avant montage dans votre Produit) peuvent être réalisés. Ils vont permettre d’écarter les cartes dysfonctionnelles ou douteuses, et de ne faire des produits qu’avec les cartes définies comme bonnes d’utilisation.

Cela peut aller de la simple inspection visuelle, au test automatisé très poussé dont une vidéo se trouve dans cet article sur l'Industrialisation d'un Produit.

Takaya reliability fiabilité FMDS RAMS RAM FMD
Le genre de Machine que vous pouvez vous procurer et configurer pour tester vos cartes à toute vitesse

Surveiller le Système après livraison et l'améliorer

Selon les besoins de votre client, les règlementations et normes que vous avez à suivre, ou même vos processus internes, il peut être utile (obligatoire ?) de surveiller la Fiabilité de votre Système post mise sur le marché.

Il va s’agir, par un moyen ou un autre, de contrôler que le Système fonctionne toujours bien au cours de sa vie et de chercher à établir une fonction du type {nombre de défaillances liées à la fiabilité}=f(temps).

Avec l’IoT, cette tâche est particulièrement aisée car le Système peut remonter (si on la conçu pour) lui-même un certain nombre de défaillances directement chez vous sur un beau dashboard.

Reliability dashboard fiabilité système FMDS RAMS RAM FMD
Un dashboard pour suivre les informations qui vous intéressent, ou intéressent les Régulateurs

Si pas possible, alors des moyens moins modernes peuvent être mis en place :

  • Visites régulières chez les clients pour contrôle du Produit
  • Remontée par les clients eux-mêmes des défaillances de fiabilité
  • etc.

Si la fiabilité du Produit sort des clous définis, alors peut-être que des actions sont à prendre pour le fiabiliser. Et tout ça en tenant compte des règles de change control évidemment:

  • Changer de composants pour des plus résistants
  • Améliorer la mécanique
  • Améliorer le SW en ajoutant des garde fous
  • Changer les gammes de fabrications
  • Changer les process d’installation/désinstallation des produits
  • Changer la façon dont on fait la maintenance
  • Augmenter la fréquence de maintenance préventive etc.

Ces mesures et actions en continu sur la vie du Produit pour le Fiabiliser revêtent le doux nom de Programme de Croissance de la Fiabilité.

Et si vous êtes particulièrement motivé, voire objectivé par votre client, vous pouvez également faire des essais poussés et ciblés en interne de votre Entreprise (endurance, vieillissement de mécanismes, cartes etc.) pour pousser votre Produit à ses limites et trouver où le robustifier.

Les 2 types d’activités pour rendre un Système fiable

En lisant les paragraphes précédents ainsi que l'article sur les méthodes Simples, vous vous rendez compte qu’il y a 2 types d’activités pour assurer la Fiabilité d’un Produit :

  • Les Analyses Directes
  • Les Analyses Indirectes

Analyses directes

Les Analyses Directes correspondent à des tests que vous faites subir à votre Système ou sa représentation physique, selon la définition la plus à jour que vous ayez en main. Vous testez le Système/son prototype/son modèle, et à la fin vous vous dites « c’est OK » ou « ce n’est pas OK » selon vos critères préétablis.

Par exemple :

  • Modélisation et analyse élément finis (mécanique statique)
  • Modélisation et analyse vibratoire (mécanique dynamique)
  • Modélisation et analyse thermique
  • Mise en stress des cartes électroniques et mesures avec un prototype
  • Calcul du MTBF sur la définition à jour
  • Tests de Qualification sur votre Produit final
  • Tests en fin de ligne de vos sous-systèmes pour écarter ceux avec des défauts
  • Etc.

Si un souci remonte (« les boulon n°5 saute lors des tests en vibrations »), alors il faut prendre des décisions sur comment le mitiger. Et au plus tôt le mieux.

C’est une philosophie plutôt « a posteriori » dans le sens où vous devez déjà avoir un Produit entre les mains ou quasi (Prototype ou modèle).

Tests CEM qualification PC fiabilité reliability FMDS RAMS RAM FMD
Tests CEM sur un PC

Analyses indirectes

Les Analyses Indirectes sont davantage proactives et se focalisent sur l’établissement plus ou moins théorique de relations de cause à effets liées à votre design de Produit. Vous analysez des listes d’exigences, des schémas d’architecture et vous essayez de trouver ce qui pourrait mal se passer et les conséquences.

Les outils suivants sont employés :

  • AMDEC (Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité - FMECA en Anglais)
  • Arbres de défaillances (FTA - Fault Tree Analysis)
  • Analyses de causes racines
  • Analyse RBD (Reliability Block Diagram)
RBD Reliability Fiabilité Block Diagram FMDS RAMS RAM FMD
un RBD

C’est une philosophie plutôt « a priori » dans le sens où vous n’avez peut-être pas encore de Produit entre les mains (juste des représentations papier sous forme d’exigences et de schéma blocs).

En tout cas, ces 2 types d’activités sont complémentaires et, à mon sens, doivent être exploitées sans préférence.

Les activités Indirectes ont plutôt leur place lors des phases amonts et de conception (Descente du cycle en V, si vous adoptez cette philosophie). Et les activités Directes ont plutôt leur place lors des IVVQ (remontée du V). Néanmoins, comme je le propose dans mon cycle en V hybride, il est tout à fait possible d’introduire des Analyses Directes dans la descente du V en se munissant de prototypes et modélisations très tôt dans la Conception !

Quelques mots pour terminer

A noter que contrairement à la Sûreté et la Sécurité, une quantification des notions de Fiabilité est possible (Taux de panne, MTBF, …). La principale difficulté résidant dans le fait d’avoir des données de défaillances pour chaque composant constituant notre Système… Données souvent acquises avec un long recul sur les produits de son Industrie, ou par analogie avec d’autres produits similaires. Des recueils existent pour avoir les données de base.

L’expérience d’un Ingénieur dont c’est la spécialité est précieuse. Il saura, avec son recul et la multiplicité des projets vus par ailleurs, quand modéliser quoi, pour tester quoi et éviter quels problèmes.

Une nouvelles fois, vous voyez qu'il n'y a pas d'outil magique, tout-en-un pour avancer sur le chemin de la Fiabilité. C'est l'association de toutes ces méthodes et outils au bon moment qui permettent d'arriver à notre but : un système fiable.

Aurélien NARDINI

Un Système Sans Problème est une ressource de connaissances et de savoir-faire pratiques, avec exemples concrets.

Que vous soyez Chef de Programme, Chef de Projet, Architecte Système, Ingénieur, Manager dans l'Industrie, Etudiant ou Curieux de l'Ingénierie, vous êtes au bon endroit.

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Parce-qu'un produit fiable et industrialisable ne s'improvise pas !